lundi 8 février 2010

Et la montagne chantera pour toi

Engoncée dans le fauteuil confortable de la première classe du TGV, Elle savoure le paysage qui défile. Des lueurs jaunes et blanches qui passent à toute allure dans une mer noire. Elle expire bruyamment. Une pause au milieu du quotidien, des millions de projets qu'Elle veut mettre en oeuvre, des rencontres, des conversations à multiples entrées, des demandes, des papiers, des obligations, des allers, des retours, des coups. Le reflet de la fenêtre lui renvoie l'image d'un sourire planant sur un visage serein. Consciente que ces dizaines de minutes ne tirent leur valeur que dans leur caractère éphémère, Elle imagine que les rails ne s'arrêtent jamais. Ils filent à travers la nuit et font le tour du monde.

De temps à autres, des bribes de civilisations émergent de la pénombre. Quatre lampadaires révélant un bout de trottoir et quelques voitures. Un café fermé au coin d'un carrefour. Une lumière diffuse dans un appartement sans ombre mobile. Ces coups d'oeil furtifs dans l'intimité tranquille et décorée avec goût des inconnus engendrent instinctivement une pensée : "Ca a l'air si paisible chez eux". Immédiatement suivie d'un rictus teinté de tristesse : "Mais derrière le vernis, les mêmes fêlures que chacun porte en soi".

Déjà le néant reprend ses droits. Jusqu'à ce que des tâches blanches apparaissent sur le parking de la gare traversée en coup de vent. La neige. Bientôt là. Elle lève instinctivement les yeux. Le noir. Interminable. Pas besoin de les voir. Elles sont là. Après avoir veillé sur son enfance, elles accueillent sûrement son retour d'un bruissement d'arbres accrochés à leurs flancs. Beaucoup trouvent que leurs falaises découpent le ciel et l'envahissent, menaçantes et ténébreuses. Elle les a toujours trouvées rassurantes ; des amies qui la guident quand Elle se perd dans un monde trop grand pour Elle ; des repères dans une société qui l'assomme de jugements ; un tableau vivant accroché au bleu de l'infini.


A lire en écoutant "rain" Cunninlynguists

Titre emprunté à "Jonathan", de Cosey.

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