vendredi 19 mars 2010

"Mon air de gueuse, de poisseuse"

D'abord le cycliste, pour éviter d'avoir les fesses à l'air dans les regroupements. Ensuite la brassière, pour ne pas voir un bout de téton pointé au premier contact. Un T-shirt doux pour être à l'aise. A mi-parcours de sa transformation, Elle sent déjà les muscles de ses épaules qui frémissent. Puis, un petit short et un maillon à grosse maille. Elle s'installe dans ses vêtements, bougeant un peu pour qu'ils épousent son corps. Sur les chaussettes montantes, des crampons qui claquent au sol dans les vestiaires. La touche finale : le protège-dent dans la poche intérieure. Elle fait craquer ses cervicales, imaginant avec impatience l'effort qu'Elle va leur demander.

A chaque fois, Elle se sent comme un soldat qui va affronter son pire adversaire : Elle-même. En foulant la pelouse, la brise lui donne la chair de poule. Sa mâchoire se crispe, son sourire ne veut pourtant pas partir. Le monde pourrait s'écrouler, tant que sa mêlée tient, peu importe. La terre pourrait cesser de tourner, tant que sa course ne dévie pas, Elle s'en fout. La société pourrait perdre pied, tant qu'Elle reste sur les siens, ça ne la touche pas.

Cachée derrière son uniforme, rien ne l'arrête : ni les coudes qui lui labourent le bide, ni les griffes qui lui arrachent la peau, ni les genoux qui raclent ses tibias. Elle puise, dans ces quelques bouts de tissus, la force de ne pas faire marcher arrière avant de s'élancer, le courage de ne pas freiner devant une collègue de jeu.

Au coup de sifflet, en fin de soirée, Elle crache le bout de plastique qui recouvrait sa dentition parfaitement alignée. Ses lèvres s'étirent plus vite que ses muscles. Le calme l'envahit et Elle voudrait rester allongée sur le terrain de longues heures, à savourer.

Dans le métro qui la ramène chez Elle, Elle pense, en regardant son voisin : "Tu te crois beau dans ton costume trois pièces, l'œil fier et la moue dédaigneuse devant mon air de gueuse, toute poisseuse. Si tu savais ce que tu rates, coincé dans tes quatre épingles. Je suis allée jusqu'au bout de mes ressources physiques, j'ai affronté la douleur et j'en suis sortie victorieuse. Une fois de plus. Debout. Une foi en plus."

4 commentaires:

  1. Y'a pas une fôôôte à "foi" dans la dernière phrase ? :D D'accord pour le mec en costard cravate mais de là à prendre des raffuts et autres joyeusetés... Merci bien. Mais bravo ^^

    PS : jolie photo (et et olus ça me change des footeux qui se la pètent avec leurs pompes décorées spécialement pour eux)

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  2. Ca fait résonner des cordes intérieures assez proches de ma foi, quand je quitte le terrain mon gros sac sur l'épaule, légère comme jamais.
    Merci Donji. Et mes crampons crasseux, c'est une sorte de déco spéciale mais qui me plaît ^_^

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  3. Hmmm j'hésite entre du rugby et une séance shopping pendant les soldes...

    Très bien écrit en tout cas :)

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