lundi 28 décembre 2009

Devant le bazooka

Les murs sont rouges. Sang. Des photos de Ceausescu côtoient celles de Staline, moustache à l'appui. Plusieurs bas-reliefs parcourent les murs. Ca et là, une faucille et un marteau. Les éclairages au dessus des tables rappellent de piètres imitations des lampes de l'aristocratie française du début du siècle. De gros rideaux dorés habillent les fenêtres. Un groupe de jeunes rient fort en buvant de la Carlsberg alors qu'un homme d'une quarantaine d'années fixe sa bière Ursus en allumant une cigarette. Elle lève un regard curieux vers la Une de la "Scintea", journal populaire communiste sous l'ancien régime, qui vante les mérites du "génie des Carpates". Les haut-parleurs crachent les Beattles, Sting et Jimm Hendrix.

De l'autre côté du bar tenu par un vieil homme à la barbe débraillée poivre et sel, dans une seconde salle, les larges manteaux des clients recouvrent des chaises en bois clair, rembourrées de cuir, assorties au lot de tables toutes simples. Sous la mine stoïque de Mao Zedong et Fidel Casto, deux hommes jouent avec un bazooka. Un vrai. Acheté en Belgique. Mais vidé de ses munitions, insiste le propriétaire en remettant une mèche de ses longs cheveux noirs derrière ses oreilles auprès d'Elle. Le trentenaire à la barbe de trois jours en jean-chemise à grosses mailles le range assez vite à côté d'un uniforme de policier soviétique en haut d'une armoire en fer.

Dans l'escalier qui monte au premier, Elle manque de tomber : les marches ne sont pas égales. A mi-chemin, Elle se retrouve nez-à-nez avec une borne kilométrique "Ici commence la Roumanie sans le communisme". Si la peinture pourpre est identique à l'étage inférieur, le choix des portraits renvoie à une autre partie de l'Histoire : les "anti" et détracteurs de leurs contemporains, à l'honneur quelques mètres plus bas. Les petites étagères éparses fixées au mur abritent les écrits de Soljenitsyne et autres rescapés. C'est l'humour noir roumain, Lui explique-ton, une sorte de cynisme poussé à l'extrême. Après en avoir pleuré si longtemps, il faut savoir en rire. A coup de portrait du couple Ceausescu fait par un enfant à la peinture à l'eau.

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